La notion de patrimoine et de sa conservation remonte à l’antiquité notamment en Égypte ancienne, en Grèce et à Rome, où certaines œuvres architecturales et objets étaient préservés pour leur valeur religieuse, politique ou symbolique. Par exemple, les Pyramides de Gizeh en Egypte, le Parthénon en Grèce ou les Stèles d'Axoum en Ethiopie étaient considérés comme des œuvres à entretenir. A cette même époque, plusieurs civilisations en Afrique subsaharienne ont laissé un patrimoine remarquable tel que la Muraille de Sungbo au Nigeria et les Sites de Djenné-Djenno au Mali.
La renaissance en Europe (XV ème-XVIème siècle) est marquée par un regain d’attention pour la redécouverte du passé se traduisant par l’émergence d’un intérêt renouvelé pour les civilisations grecque et romaine. Les ruines antiques sont alors étudiées et parfois restaurées, les œuvres d’art et les édifices anciens sont entretenus par le mécénat artistique de grandes familles bourgeoises.
Au cours du siècle des lumières (XVIII ème) le concept de patrimoine se renforce car les intellectuels commencent à reconnaître l'importance de préserver les traces du passé pour les générations futures. Cela s’inscrit dans une réflexion sur l’histoire et l’héritage culturel, mais c’est la révolution française de 1789 qui marque un véritable tournant de conscientisation face à l’ampleur des destructions ou du pillage des biens tant religieux qu’appartenant à la noblesse. En réaction, des initiatives apparaissent pour sauver certains monuments et œuvres : lois de protection, inventaires, musés dédiés.
Le XIXe siècle, ère de la révolution industrielle et du romantisme, confirme l’essor de la conservation moderne par l’idée que les monuments historiques sont des symboles identitaires à préserver. Le développement de principes de restauration destinés à redonner leur splendeur initiale aux monuments en est une illustration, à l’instar de la première rénovation de la cathédrale Notre Dame de Paris par l’architecte Viollet-le-Duc.
Au fil du temps la conception et la mise en œuvre du patrimoine, longtemps associé aux monuments et objets antiques ou religieux, ont évolué pour aboutir à une notion plus inclusive du patrimoine. Tout d’abord, les initiatives de préservations de biens consécutives à la révolution française ont amené une conservation consciente et méthodique, après inventaire, du patrimoine dit matériel constitué de sites, bâtiments, ouvrages et objets. A partir du XXème siècle la notion de patrimoine s’est élargie au patrimoine immatériel (pratiques culturelles, savoir-faire, traditions) et au patrimoine naturel (paysages, biodiversité). La création de l’UNESCO en 1945 est une tournant majeur pour protéger le patrimoine notamment culturel et naturel à l’échelle mondiale.
La globalisation accentue l’importance du patrimoine mondial sous différents aspects. Il confère une mémoire collective permettant de comprendre l’histoire et l’évolution des sociétés, distingue les identités culturelles tout en renforçant le sentiment d’appartenir à une communauté, génère une économie de tourisme grâce à l’attirance des visiteurs pour les sites patrimoniaux, assure une transmission et un lien entre les générations par une continuité culturelle.
Le rayonnement du patrimoine mondial impulsé par l’UNESCO a été un facilitateur pour plusieurs éditions et expositions dédiées au Patrimoine. Pour ce qui est du Cameroun, nous rappelons ici l’exposition STAAD Cameroun. Elle est abritée par le musée national du 30 octobre 2024 au 28 février 2025 et consacrée au patrimoine érigé au Cameroun par les allemands durant leur période de colonisation de 1884 à 1916. L’empreinte laissée par les allemands est marquée d’une architecture administrative et résidentielle caractérisée par un style hybride, mêlant influences européennes et adaptations aux conditions climatiques locales (toits en pente, larges vérandas). Les infrastructures telles que le chemin de fer Douala-Nkongsamba et les exploitations agricoles (cacao, hévéa, bananes…) relèvent du même patrimoine.
Il nous plaît de rappeler également l’exposition présentée dans le cadre de la semaine de l’architecture à l’hôtel Hilton de Yaoundé du 25 au 29 novembre 2024. Ce fut une invitation au voyage patrimonial à travers la mixité des projets des étudiants de l’ESSACA sur le thème ‘Architecture et Patrimoine’ et l’exposition itinérante ‘Sur la Route des Chefferies du Cameroun’.
Enfin pour ce qui est de la culture, l’inscription des patrimoines culturels immatériels de l’UNESCO du Nguon du peuple Bamoun et du Ngondo, festival traditionnel des peuples Sawas du Cameroun, fait notre fierté et souligne pour les camerounais, l’importance accordée au volet immatériel du patrimoine.
Il convient qu’à l’ère où des bribes de patrimoine sont envoyés dans l’espace à la rencontre de civilisations extra-terrestres, que chaque pays, nation, peuple ou collectivité prenne conscience de la valeur de son patrimoine quel qu’en soit la nature et veille à le préserver.